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  • Titre : Le déplacement du chidori
  • Auteur : Katori-ressources

Catégorie : Article de Katori-ressources

Le déplacement du chidori

Plusieurs katas de iaijutsu de la Tenshin shoden Katori shinto ryu comportent le terme de chidori (千鳥) dans leur intitulé : Zengo-chidori-no-tachi (前後千鳥之太刀) et Yukiai-migi-chidori-no-tachi (行合右千鳥之太刀). Ce terme est également utilisé pour désigner un mouvement de pied spécifique que l’on retrouve dans des techniques d’esquive tel que Chidori-no-ko-gasumi (千鳥の小霞). Il nous a semblé intéressant de revenir sur la signification de ce terme (§1), sur son utilisation dans la pratique martiale (§2) et sur sa portée symbolique comme élément ornemental du sabre et de l’armure (§3).

1. Le Chidori, un oiseau à la drôle de démarche

Le terme japonais de Chidori se divise en 千 “mille” et 鳥 “oiseau” et désigne un pluvier, oiseau des rivages de la famille des charadriidae. Au Japon, il existe plusieurs sortes de Chidori évoluant en bord de mer dont :

Nom japonaisNom latinFrançais / Anglais
Ikaru-chidori (桑鳲千鳥)Charadrius placidusPluvier à long bec ; Long-billed plover
Ko-Chidori (小千鳥)Charadrius dubiusPluvier petit-gravelot ; Little Ringed Plover
Hajiro-ko-chidori (羽白小千鳥)Charadrius hiaticulaPluvier grand-gravelot ; Common Ringled Plover
Shiro-chidori (白千鳥)Charadrius alexandrinusPluvier à collier interrompu ; Kentish Plover
Medai-chidori (目大千鳥)Charadrius mongolusPluvier de Mongolie ; Lesser Sand Plover
O-medai-chidori (大目大千鳥)Charadrius leschenaultiiPluvier de Leschenault ; Greater Sand Plover

Tableau 1. Exemples de pluviers présents au Japon1

Cet oiseau se caractérise par une démarche singulière car croisant les pattes pour avancer (Fig. 1a et 1b) laissant sur le sable des empreintes caractéristiques de son passage (Fig. 2). Cette démarche et cette position assurent à l’oiseau une plus grande stabilité pour évoluer dans un milieu chahuté par le roulis des vagues et les vents marins. Par extension, l’expression chidori-ashi (千鳥足) “en patte de chidori” désigne une démarche chancelante, titubante, instable, en zigzag.

ChidoriPlover-tracksFig. 1a et b (gauche) : Pluvier à long bec et détail des pattes. Fig. 2 (haut) : Empreintes d’un Pluvier siffleur sur le sable.
Pluvier_long_bec_pattes

2. Le Chidori dans la pratique du sabre

Dans la pratique du sabre, un mouvement spécifique a été nommé chidori ni fumu (千鳥に踏む), soit “marcher en Chidori” en comparaison avec la démarche du pluvier2. En combat, ce mouvement de chidori consiste à croiser son pied gauche au-dessus du pied droit qui reste fixe. La posture est stable, le corps reste droit, le talon droit est relevé, le genou droit se loge dans le creux du genou gauche. Ce mouvement permet plusieurs utilisations à des fins martiales. Les différentes techniques que nous avons sélectionnées sont présentées par maître Kyoso Shigetoshi et sont extraites du reportage intitulé Nihon no Kenjutsu-Jyutsugi Shokai (2008) tourné dans le Shinbukan dojo de maître Otake Risuke.

2.1. Esquiver et couper

Le mouvement chidori permet de sortir très rapidement de la ligne d’attaque de l’adversaire et de mener en pivotant une contre-attaque très rapide. Cette dynamique est utilisée dans le kata Zengo Chidori-no-tachi (2e kata de la série Tachi-iai Batto-jutsu). Dans ce kata, le sabreur subit une attaque à la tête menée par un attaquant qui se trouve derrière lui. Le “pas de chidori” lui permet alors d’esquiver la coupe puis de pivoter très rapidement pour pourfendre son adversaire. Ce mouvement est répété une seconde fois, le sabreur subissant une deuxième attaque par l’arrière après avoir rengainé son sabre.

Ce mouvement d’esquive et de contre-attaque se retrouve aussi dans le kata de kenjutsu Hakka-no-tachi (4e kata de la série Omote-no-tachi) à la fin duquel, kirikomi se déplace sur le flanc de son adversaire afin de le couper. Ce mouvement latéral se nomme Chidori-no-ko-gasumi 千鳥の小霞 :

2.2. Occuper l’espace devant et derrière

La position de chidori permet également au combattant une plus grande occupation de l’espace, car lui offrant la possibilité d’agir sur deux côtés. Cette utilisation est illustrée par le kata Happo-ken (6e kata de la série Omote-no-iai). Ce kata se déroule dans un lieu étroit et sombre, l’éclaireur en position iai-goshi doit faire face à un ennemi arrivant par devant et à un autre arrivant par derrière. Le premier attaquant est repoussé par un premier coup d’estoc. Puis, le “pas de chidori” permet au sabreur de maintenir une menace à l’avant en sortant de manière énergique sa tsuba et de piquer avec son sabre l’ennemi présent à l’arrière. Enfin, un pivot très rapide depuis cette position lui permet de pourfendre son adversaire tenu à distance en avant.

2.3. Se déplacer furtivement

Le terme de chidori se rencontre également dans le kata de iaijutsu nommé Yukiai migi-chidori-no-tachi (3e kata de la série Omote-no-tachi). Ici, il n’y a pas de déplacement les jambes croisées, mais un saut furtif et rapide vers la droite avant que le pied droit ne vienne toucher le sol après une marche d’allure normale. Il est difficile de déterminer si dans ce kata le terme de chidori a été choisi en référence à la démarche de l’oiseau ou bien pour rendre l’idée d’un déplacement en zigzag. Nous remarquons qu’à l’instar du mouvement effectué par le sabreur, le pluvier peut rester en position stationnaire sur une patte, l’autre patte restant au-dessus du sol avant de retomber sur le sol (voir Fig. 6a et 6b).

2.4. Illustrations photographiques : le sabreur et l’oiseau

3. Le Chidori comme élément de décoration du sabre et de l’armure

Au Japon, le cri du Chidori est rendu par le son “chiyo”. Ce son se décompose en deux syllabes, chi (千) et yo (代), qui peuvent aussi signifier “mille (千) générations (代)”. Dès lors le Chidori est devenu un symbole favorable de longévité. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver comme élément de décoration sur les sabres des samouraïs pour se porter bonheur sur les champs de bataille ainsi que sur certaines parties de l’armure. En voici quelques illustrations :

3.1. Tsuba

3.2. Fuchi-kashira

3.3. Menuki

Menuki avec chidori datant de la fin de la période Édo
Menuki avec chidori datant de la fin de la période Édo

3.4. Saya

3.5. Casques

Kabuto réalisé par l’artisan Joshu (no) Ju Saotome Iechika de la province de Hitachi entre la période Momoyama et d’Édo (17e-18e siècle) sur lequel on peut voir des chidori entourant le casque :

Références

1 Source : http://www.focusonnature.com/ShorebirdsinJapanPhotoFeature.htm.

2 Sugino et Ito, Tenshin Shōden Katōri Shintō Ryu Budō Kyōhan, Nishikawa Kiuemion Press [Édition allemande Tenshin Shōden Katōri Shintō Ryu Budō Kyōhan : Die Kampfkunst-Lehrmethode des Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu, Books on Demand GMBH, 2010], p.85.

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