Références

  • Titre : « Structure et fonction du katana »
  • Titre original : « Katana no kōzō to kinō / 刀の構造と機能 »
  • Auteur : Otake Risuke
  • Revue : Kendō Nihon (剣道日本) n°111, avril 1985.
  • Traduction : Katori-ressources

Catégorie : article dirigé par Otake Risuke

Thème : le sabre japonais

Notes : Il s’agit d’un numéro spécial de la revue Kendō Nihon intitulé : Tokushū katana-waza no chishiki / 特集刀法の知識 (« La connaissance des techniques de sabre »). Deux articles ont été rédigés sous les conseils d’Otake Risuke sensei : le présent article et « Observons la pratique des techniques de sabre dans une école traditionnelle ». Dans cet article, Otake Risuke intervient en tant que « membre du bureau d’enregistrement et d’évaluation des fusils et épées de la préfecture de Chiba ».

Structure et fonction du katana (1985)

Note sur le système métrique japonais :
1 shaku (尺) = 30.3 cm
1 sun (寸) = 3.03 cm
1 bun (分) = 0.303 cm
1 rin (厘) = 0.0303 cm
1 (毛) = 0.00303 cm

***

Article spécial : la connaissance de l’art du katana.
Coopération (kyōryoku / 協力) : Otake Risuke, membre du bureau d’enregistrement et d’évaluation des fusils et épées de la préfecture de Chiba.

Introduction

Le but de la voie du sabre (Ken-dō) est de développer la force spirituelle par l’utilisation du sabre japonais. C’est un chemin qui cherche à connaître la manière de vivre en tant qu’être humain. Pour ce faire, il faut avoir de solides notions sur le sabre. Rechercher le sabre qui nous protège et qui éclaire notre spiritualité est la base la plus importante de la voie du sabre. Ici, nous voudrions réfléchir sur les aspects pratiques : qu’est-ce que la structure du sabre et ses fonctions ?

Fig.1. Nomenclature du sabre japonais
Fig.1. Nomenclature du sabre japonais

Bōshi (帽子) (bōshi-no-hamon / 鋩子の刃文) : dessin de la ligne de trempe (hamon) sur la pointe.
Bōshi (鋩子) (ou kissaki /又は切先) : pointe du sabre.
Ha (刃) : partie durcie et trempée de la lame d’un sabre.
Ha-machi (刃区) : échancrure séparant la lame de la soie du côté du tranchant.
Hamon (刃文) : dessin de la ligne de trempe.
Hasaki (刃先) : tranchant ou fil de la lame.
Ji (地) : partie de la lame comprise entre le hamon et le shinogi.
Ko-shinogi (小鎬) : arête située sur la pointe.
Mekugi-ana (目釘穴) : orifice de la soie dans lequel s’insère la cheville (mekugi) pour fixer le sabre dans la tsuka.
Mitsu-gashira (三つ頭) : point de jonction entre le shinogi, le yokote et le ko-shinogi.
Mune (棟) : dos de la lame.
Mune-machi (棟区) : échancrure séparant la lame de la soie du côté du dos de la lame.
Nagako (茎 ou中心) : soie du sabre.
Nagasa (長さ) : longueur utile du sabre du mune-machi à la pointe.
Nakago-jiri (茎尻) : extrémité de la soie.
Shinogi (鎬) : arête située sur le côté de la lame.
Shinogi-ji (鎬地) : partie de la lame située entre le shinogi et le mune.
Sori (反り) : courbure du sabre.
Yasurime (鑢目) : traces de lime sur la soie du sabre.
Yokote (横手) : ligne située à la pointe et reliant le shinogi au ha.

1. Longueur et équilibre

Le terme de “katana” (刀) est un terme moderne qui est employé pour désigner le sabre japonais en général qui mesure plus de 60 cm. On peut distinguer le tachi (太刀) qui se porte sur la hanche avec la lame en bas et le chokutō (直刀) dont la lame est droite et qui date de l’antiquité.
Pendant l’ère Tenpō du shogunat des Tokugawa (1830-1844), un règlement officiel fixait la longueur maximale du katana à 2 shaku 3 sun et 5 bun (≈ 68.175 cm). On considère que la longueur maximale comprise entre 2 shaku 2 bun et 2 shaku 3 bun est un critère standard (≈ 66.66 et 72.72 cm).
Le sabre (sar-yō / 差料) de Yagyū Renyasai (柳生連也) qui est un expert de l’école Yagyū Shinkage est un daitō (大 刀) plus court qui mesure 1 shaku 9 sun et 8 bun (≈ 60 cm).
Beaucoup de sabres (sar-yō) de daimyō étaient fabriqués selon une mesure de 2 shaku 1 sun (≈ 63.63 cm) en raccourcissant d’anciennes lames.
On considère que pour déterminer la bonne longueur d’un sabre, il faut le tenir d’une seule main à la base de la tsuba, étendre le bras d’une manière naturelle et vérifier que la pointe touche presque le sol.
En général, il est difficile de discuter des avantages et des désavantages de l’objet obtenu. Par exemple, Oishi Susuma (大石進), sabreur de la fin du Bakufu, a accompli beaucoup d’exploits avec un sabre de bambou long de 5 shaku et 3 sun (≈ 160.60 cm) en s’inspirant des techniques de yari. Ce choix était adapté aux capacités d’Oishi et à sa grande taille de 7 shaku (≈ 2.12 m). De nombreuses personnes se sont alors tournées vers le long sabre en pensant pouvoir ainsi gagner, mais elles n’arrivaient pas à le manier, si bien que la mode du long sabre de bambou n’a pas duré longtemps.
Avec un sabre trop long, on ne peut pas avoir de réactions rapides, ce qui est primordiale dans l’art du sabre. De même dans le iai, cela donne des techniques lentes. Dans le baseball, les personnes qui ne sont pas fortes tiennent la batte un poignet plus court et peuvent ainsi frapper plus rapidement. Ainsi, il faut employer un sabre adapté à sa morphologie, à sa capacité et à sa taille.
Concernant le poids du sabre, un sabre adapté pèse environ un kilo et n’est pas lourd à la pointe. Mais l’importance c’est l’équilibre quand on le tient et que l’on sent une harmonie. Les baguettes que l’on utilise tous les jours, on les adapte à son corps. De même, on peut apporter des modifications si la pointe est un peu plus lourde alors on installe une tsuba plus épaisse pour avoir le bon équilibre.

2. Efficacité de la courbure de la lame

Quand on effectue une coupe forte avec une épée droite d’époque ancienne (celle qui est plate avec les lames des deux côtés), alors, si c’est une épée fine, les “hanches” (koshi) se briseront. Si c’est une épée droite et lourde, alors il y aura trop de chocs dans la main et on ne pourra pas bien couper. Concernant l’épée droite coréenne (Koma tachi / 高麗直刀), le shinogi est proche de la lame et on ne peut pas bien couper, comme si c’était un burin (tagane / タガネ). Alors, le shinogi a été déplacé vers le mune et la lame a été courbée. Ainsi commença le katana courbé (Nihonhantō / 日本反刀).
La courbure est née du besoin de couper efficacement. Une courbure efficace se situe autour de 6 bun (≈ 1.818 cm), soit entre 5 et 7 bun (≈ 1.515 et 2.121 cm). Pour obtenir cette courbure de 6 bun, on prépare avant la trempe (yaki-ire / 焼き入れ) une courbure de 3 bun (0.909 cm) jusqu’à 3 bun et 5 rin (≈ 0.924 cm) et au moment de la trempe le katana se courbe vers le mune qui est épais et cela devient 6 bun (≈ 1.818 cm) de courbure.
Si la courbure est trop profonde, on ne traverse pas bien quand on coupe. Au contraire, si la courbure est trop légère, cela devient un choc plutôt que de couper et cela créer un impact sur la main.
Les sabres forgés par Yamato-no-kami-Yasusada (大和守安定) utilisés par Iba hachirō (伊庭八郎) (école Shingyōtō), Ōishi Kuwajirō (大石 鍬次郎) (shinsengumi) et Hiruma Yohachi (比留間与八) (école kogen-ittō), etc, étaient presque sans courbure, ils étaient ainsi faciles à casser et n’étaient pas adaptés aux combats réels.
La courbure convenable permet de transférer le choc de la coupe vers le mune dont l’acier est plus doux ; de plus, il n’est pas nécessaire de couper en tirant comme avec le katana droit, on peut avoir le même effet de coupe avec la partie qui frappe. C’est une fonction très importante de la courbure. Bien sûr, pour cela il faut que la ligne de coupe soit correcte, car si elle ne l’est pas, on ne peut pas couper et le sabre peut se tordre.
La courbure adaptée est avantageuse pour dégainer et rengainer rapidement le sabre. Le katana qui n’a pas une courbure suffisante est difficile à sortir et risque de couper la saya.

3. Le corps du sabre

On peut prendre le sabre et donner un coup avec le mono-uchi puis regarder comment se transmet l’onde de choc avec un oscillographe. Pour un sabre de très bonne qualité, on peut observer des vagues régulières. Pour un sabre qui ne coupe pas bien, on observe que des vagues irrégulières.
La ferrite (jigane / 地鉄) est bien forgée en la pliant plusieurs fois. Les couches sont bien entassées, on considère alors qu’il s’agit d’un katana de bonne qualité. Si, les couches sont épaisses (la chaire du mune est épaisse), la largeur du corps est étroit, alors c’est une épée forte. Mais si les couches ne sont pas épaisses et que le katana est large (danpira / 段平), alors quand on sort le sabre on le voit grandiose, mais en fait il est faible, ce n’est pas un katana adapté pour le combat réel.
Quand on parle de pliage, dix fois ça fait une couche de 1024 (210). On dit très souvent que c’est une oeuvre de forger ainsi 1000 fois ou 10 000 fois, mais, en réalité, si on fait ça, au contraire, le fer devient fragile et inutile.
Le corps du sabre a besoin non seulement d’être solide mais aussi d’élasticité. La partie de la chaire plate est ce que l’on appelle la forme de palourde (hamaguri), si on appuie sur le corps du sabre alors si toutes les parties ont de l’élasticité et un bon équilibre, alors c’est une bonne épée. Si l’on compare le sabre de l’antiquité et le sabre moderne, alors on peut bien comprendre cette différence d’élasticité.

3.1. La ligne de trempe (hamon / 刃文)

C’est un motif qui apparaît entre le ha (刃) et le ji (地) grâce à la trempe et à l’élimination de la terre (on étale la terre de Yakiba sur le corps du katana puis on l’enlève avec la spatule légèrement uniquement sur une partie du tranchant). Cette partie devient un acier qui a un degré de solidité plus haut. Grosso-modo, on peut classer les hamon en deux grandes catégories :
Suguha (直刃) : motif droit
Ranha (乱刃) : motif plus perturbé
Le maître du sabre, Suishinshi Masahide (水心子正秀) de la fin du Bakufu, a examiné en détail les sabres cassés lors de bagarres dans la ville d’Edo. Il a compris que les katanas cuits où le hamon est plus profond sont les plus fragiles. Il recommanda alors aux personnes de retourner au suguha comme les anciens sabres.
Le hamon est formé avec des grains qui sont nommés martensite (marutensaito / マルテンサイト) dans les études d’alchimie (acier dur capable de couper particulièrement bien). Quand on regarde le katana à la lumière, la partie qui brille comme les sabres d’argent se nomme Nie-deki (沸出来) et celle-ci est obtenue avec une très forte cuisson et un refroidissement rapide et faite majoritairement avec des particules grossières. Le contraire de celle-ci est Nioi-deki (匂出来) et faite avec des particules plus fines, presque invisibles à l’oeil nu. On le voit brumeux, comme si dessiné au pinceau d’aquarelle.
Le katana qui brille fortement est trop dur et facile à casser. On considère le katana Nioi-deki et suguha comme meilleur.

3.2. La pointe du sabre (bōshi / 鋩子 ou kissaki / 切先)

Okita Sōji (沖田 総司) de Shinsengumi à casser sa pointe lors de l’attaque d’Ikedaya. Si cette partie était cassée alors on imagine que son point fort était les piqués. Le bōshi est meilleur quand il est plus petit. Le grand bōshi est avantageux pour piquer l’armure en cuire par exemple, mais il est facile à casser. Le bōshi a n’a pas beaucoup de lame, donc, si c’est épuisé ou diminuer à force d’aiguiser, ce n’est plus adapté au combat.

3.3. Le dos de la lame (mune / 棟 ou mine / 峯)

Cette partie correspond au dos du katana. Il y a par exemple : kaku-mune (角棟), maru-mune (丸棟), mitsu-mune (三つ棟) et ihori-mune (庵棟).
Si on frappe avec le dos du sabre (mune-uchi) comme on le voit souvent dans les séries, alors il y aura un bris de lame (hagire /刃切れ) à cause du choc. Cependant, si l’on adopte une posture avec la lame en bas et que l’on repousse la coupe adverse avec le mune, alors, le choc avec le katana de l’adversaire s’en va.
Quand on examine les katanas des champs de bataille, beaucoup ont des dégâts sur le mune. Pour certains, la lame de l’adversaire qui était frappée restait insérée dans le mune.

3.4. L’arête latérale (shinogi / 鎬)

Il s’agit d’une ligne plus épaisse située entre le ha et le mune. Avec la création du shinogi, le corps du katana s’est renforcé. En japonais, on utilise l’expression “shinogi okezuru” (raboter le shinogi) pour désigner le fait de combattre très violemment. Cela vient de combats au sabre où les shinogi se frottent si fortement qu’ils vont être rabotés. Dans les techniques de ken, “utiliser le shinogi” trouve son aspect avantageux par le degré de courbure de la lame.

3.5. La gorge (hi / 樋)

Il s’agit d’une gorge sculpté entre le shinogi et le mune. Certains atteignent même le nakago (茎), on les nomme “grande gorge” (bo hi / 棒樋). Le hi est sculpté des deux côtés du katana qui devient ainsi plus léger et plus solide. C’est la même raison que la forme des rails. Aussi, quand on coupe, grâce à l’espace du hi, on évite que le sabre se colle entièrement.

3.6. Le trou de cheville (mekugi ana / 目釘穴)

Le trou de cheville (mekugi ana) se situe au niveau de la soie (nakago / 茎ou 中心), partie du sabre insérée dans la tsuka. Quand on balance le katana, la force centrifuge et le poids du corps du sabre peuvent provoquer la sortie du sabre de la tsuka. Pour éviter cela, on le fixe en utilisant une chevile (mekugi / 目釘). Il s’agit du trou où l’on passe le machi (区).
Si le sabre garde son état d’origine tel que le forgeron l’a réalisé, alors, en principe, il y n’y a qu’un seul mekugi ana dans la soie. Si le corps du sabre a été raccourci, alors le nombre de mekugi ana augmente. On dit que c’est meilleur d’avoir trois doigts de longueur à partir de la tsuka pour faire le mekugi.
Le motif de base de l’oscillographe – dont on a parlé au début de l’article à propos du corps du katana – continue à partir du mono-uchi (物打) jusqu’au mekugi et s’arrête tout à coup. En fait, c’est logique : même si l’on tient la tsuka avec une seule main, le mekugi est juste à l’intérieur de la main et la force de balancier du sabre va être transmis jusqu’au mono-uchi.
Il faut bien vérifier où l’état du mekugi avant de porter le sabre.

4. La poignée du sabre (tsuka / 柄)

La tsuka est fabriquée de telle sorte qu’elle ne soit pas fragilisée par les dégâts que causeraient des insectes. On colle une peau de requin avec un mélange réalisé à partir d’une plante nommée Swertia japonica (senburi / せんぶり) et de grains de riz. On la colle sans aucun espace. On utilise une partie de la peau de requin qui est bosselée et que l’on nomme nirame (ニラメ). On place cette partie pour qu’elle se positionne à l’intérieur de la main gauche. La peau de requin est fixée quand elle est mouillée. Une fois sèche, elle peut absorber le sang dessus et ainsi il n’y a jamais de problème de glissement de la tsuka. De même, le fil que l’on enroule sur la tsuka ne glisse pas. Ainsi, quand on saisit la tsuka avec la main, les doigts sont bien accrochés et ne glissent pas. Pour un katana de 2 shaku 3 sun (≈ 69.7 cm), la longueur convenable de la tsuka est de 8 sun (≈ 24.24 cm).

Sabre de droite : katana porté par Yamaoka Tesshū (山岡鉄舟). Pas de signature (mei). Ligne droite (hitomoji / 一文字). Longueur : 2 shaku 3 sun 4 bun 5 rin. Courbure : 8 bu 5 ri.
Figure 4. Katana porté par Yamaoka Tesshū (山岡鉄舟). Pas de signature (mei). Ichimoji (一文字). Longueur : 2 shaku 3 sun 4 bun 5 rin (≈ 71.05 cm). Courbure : 8 bun 5 rin (≈ 2.57 cm).
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Figure 5. Katana porté par Sakamoto Ryōma (坂本龍馬) de la fin du Bakufu. Signature (mei) : Yoshiyuki (吉行). Longueur : 2 shaku 3 sun 6 rin (≈ 69.87 cm). Courbure : 9 rin, 9 (≈ 0.30 cm), il est presque droit.

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