Références

  • Titre : « Le dieu du sabre est un dieu de la guerre »
  • Titre original : « Ken no kami wa bu no kami 剣の神は武の神 »
  • Revue : Kendō Nihon (剣道日本) n°350 (04/2005)
  • Traduction : Katori-ressources

Catégorie : Récit de rencontre avec Otake Risuke

Notes : La revue Kendō Nihon d’avril 2005 (n°350) propose trois courts articles qui s’appuient sur des propos d’Otake Risuke. Ce texte peut sembler compliqué car il contient de nombreuses références elliptiques à l’histoire et à la mythologie japonaise. Nous avons choisi d’intégrer directement dans la traduction proposée des liens vers les articles Wikipédia qui peuvent éclairer ces références. Pour faciliter la lecture nous avons également donné des titres aux différents paragraphes. Les deux autres articles de la revue sont les suivants : « La puissance de l’annulaire de la main gauche » et « L’enseignement des feuilles de bambou ».

Le dieu du sabre est un dieu de la guerre

Introduction

Le recueil nommé Engishiki (延喜式) enregistre le nom de 3132 temples parmi lesquels seuls Ise et Kashima-Katori sont élevés au rang de jingū (神宮). On comprend dès lors l’importance revêtue par ces temples pour la cour de la période Yamato.

1. Étymologie de Kashima et de Katori

La terre de Kashima-Katori est située des deux côtés de l’entrée profonde de la mer qui correspond au lac Kasumigaura. Cette terre était la base militaire afin d’assujettir les populations rebelles Emishi (蝦夷). De cette terre on pouvait extraire le sable ferrugineux (satetsu / 砂鉄) qui entrait dans la composition des armes telle que l’épée. Les gisements devaient alors être protégés et intégrés dans l’enceinte des jingū. Le toponyme de Kashima (鹿島) vient du terme kashi (戕牁) qui désigne le “bollard d’amarrage” (le pieu servant d’attache aux bateaux). Le toponyme de Katori (香取) vient quant à lui du terme kajitori (檝取) qui signifie “tenir la barre d’un navire”. Ainsi, à travers ces deux étymologies, nous pouvons supposer qu’il y avait un port pour la marine de guerre. On peut également facilement considérer qu’il y avait un jeu de mots avec le terme kaji (鍛冶) qui signifie “forger le métal” et qui est en lien avec la fabrication des armes.
Concernant l’origine du terme de bushi (武士), “guerrier” dont la lecture ancienne était mononofu (もののふ) celui-ci vient de la famille Mononobe (物部) qui exerça des fonctions militaires et qui semblait même commander la force navale de la région Kashima-Katori.

2. Les dieux Takemikazuchi et Futsunushi

Le dieu de Kashima-jingū est Takemikazuchi-no-kami et celui de Katori-jingū est Futsunushi-no-kami. Selon le Kiki [contraction de Kojiki et de Nihon Shoki], ils ont été envoyés tous les deux depuis “la haute plaine du monde céleste” (Takama-ga-hara) pour pacifier le “pays du milieu des roseaux” (Ashihara no Nakatsukuni) avant la descente du Divin-Petit-Fils de la déesse Amaterasu-no-kami.
Futsunushi-no-kami est considéré comme étant le même dieu que celui nommé Futsu-no-mitama dont la résidence est le temple d’Isonokami situé dans le pays de Yamato et qui est le dieu de la famille Mononobe. Il s’agit de l’esprit de l’épée portée par Takemikazuchi quand il a pacifié le “pays du milieu” (Nakatsukuni). Futsu est considéré comme l’onomatopée (futsu フツ) qui correspond au son produit quand on coupe un objet ou un corps (butsu ブツou putsu プツ). Dans le Nihon-Shoki, cette sonorité est rendue par l’idéogramme [韴]. Le trésor divin du temple de Kashima est un sabre droit long de 2m71 qui est nommé “L’épée de l’âme de Futsu” (Futsu-no-mitama-no-tsurugi 韴霊剣) ou “L’épée de pacification” (Kuni-muke-no-ken平国の剣). Ainsi, l’autorité spirituelle du dieu (ou âme du dieu) qui se manifeste à travers le son futsu a servi à pacifier le pays.
Takemikazuchi est considéré comme l’enfant d’Ame-no-ohabari (ou Itsu-no-ohabari). Or, le nom de ce dieu est également utilisé pour désigner le sabre utilisé par Izanagi pour tuer le dieu Kagutsuchi. Izanagi et Izanami ont donné naissance aux dieux qui ont constitué les îles du pays et à quarante autres dieux. Le trente-troisième de ces dieux était Kagutsuchi. En tant que dieu du feu, celui-ci a un lien très profond avec la création du fer et des armes. Izanami a eu les parties intimes brûlées lors de la naissance du dieu et elle est partie rejoindre le royaume des morts (Yomi no kuni). Izanagi fou de tristesse a alors tué Kagutsuchi avec Itsu-no-ohabari.
Ainsi Futsunushi-no-kami et Takemikazuchi sont tous les deux des dieux de l’épée et les dieux de Kashima et de Katori étaient tous les deux considérés comme des symboles de la guerre. En tant que tels, ils sont célébrés dans les dōjō de chaque région encore de nos jours. Comme ils constituent des exemples victorieux pour avoir pacifié le “pays du milieu des roseaux”, toutes les personnes qui partaient au combat allaient les prier dans leur temple pour obtenir la victoire. Ainsi, il est connu que l’expression “partir à Kashima” signifie “partir au champ de bataille”.

Conclusion

Le fait que c’est Iizasa Chōisai Ienao qui priait dans le temple de Katori qui a créé l’école considérée comme l’origine des arts martiaux japonais était donc une nécessité historique et géographique.

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